En 2019, nous avons fêter les trois cents ans de la naissance de Pierre Poivre (1719-1786), botaniste-philosophe-voyageur lyonnais du siècle des Lumières. Il a passé sa vie à étudier, collecter et introduire une multitude de plantes utiles pour améliorer le quotidien des colons français en terres lointaines et dans notre région. Sa vie tumultueuse reste associée aux épices. Il a passé de nombreuses années à St Romain au Mont d’Or où il vivait en famille dans sa propriété de la Fréta.
1719 – 1741 : Poivre, le gone
Pierre Poivre naît à Lyon, rue Grenette, en centre-ville. Il grandit dans le quartier de St Nizier. Il va à l’école rue du Garet, près de l’Opéra actuel, puis il étudie au pensionnat St Joseph durant dix années, sur la rive droite de la Saône au niveau de l’île Barbe.
1741 – 1757 : Poivre, le voyageur
Dès 1741, il est destiné à devenir missionnaire mais ses supérieurs le trouvent trop curieux, gourmand et trop intéressé par les plantes ainsi que le commerce international. Jusqu’en 1757, il voyage essentiellement dans toute l’Asie et l’Océan indien, Cayenne, Martinique Afrique et Madagascar. Ces voyages à l’époque sont longs et difficiles ; il perd son bras droit lors d’une attaque anglaise. Il parle le chinois, le cochinchinois et le malais, ce qui facilite ses relations amicales un peu de partout.
1757 – 1766 : Poivre, entre Lyon et St Romain
1766 – 1772 : Poivre, l’Intendant
Pierre Poivre est nommé Intendant des îles de France (Maurice) et de Bourbon (La Réunion), terres lointaines hostiles et peu dynamiques. Il relance l’économie de la colonie, développe les cultures de plantes variées et introduit plus de 260 nouvelles plantes dans son Jardin de Pamplemousses (le site touristique le plus visité encore aujourd’hui sur l’île Maurice). Nous lui devons la chute du monopole hollandais des épices rares (muscade, girofle, cannelle), les premières plantations de ces plantes sur sol français : les premiers jardins d’épices de l’Océan indien. Il améliore aussi la vie des habitants et lance de grands travaux pour moderniser la colonie. Son bilan d’Intendance est plus qu’honorable. De retour dans sa ville natale, en 1772, le ministre lui propose la gestion de la ville de Lyon. Il refuse, souhaitant se reposer, vivre dans sa demeure de bord de Saône et profiter enfin de sa famille.
1772 – 1786 : Poivre de retour à la Fréta
Pierre Poivre continue ses essais d’acclimatation de végétaux exotiques à St Romain : coton, amarantes alimentaires, chou chinois, agrumes (pamplemousse, combava, mandarine, citron, lime), litchi, indigo d’Inde, arbre aux quarante écus (Gingko biloba), tulipier de Virginie, magnolias, kakis, nombreux camélias dont le théier, libocèdre, rosiers de Chine et du Bengale, hortensias, hibiscus, etc. La propriété est enfin terminée en 1777. Les plus grands scientifiques et philosophes de l’époque séjournent à la Fréta, chez le couple Poivre et ses trois filles. Il meurt en 1786 à Lyon, dans son appartement place Bellecour. Inhumé dans la Basilique d’Ainay (une plaque commémorative est visible contre la chapelle de la Vierge). L’acte de décès et la description du cortège funèbre prouvent que Pierre Poivre n’est pas mort à St Romain au Mt d’Or, contrairement à ce que l’on peut lire dans plusieurs biographies.
1786 – 2017 : Poivre, héritage saromagnot
La Fréta est vendue rapidement après son décès. La végétation envahit une partie de la propriété. Le cabinet de curiosité et quelques autres dépendances se dégradent. Dès 1853, des glissements de terrain provoqués par la création de la voie ferrée Lyon-Paris rendent la maison principale inhabitable. Elle est démolie en 1885. La maison actuelle est reconstruite quelques temps après au même endroit. De nombreux propriétaires se succèdent et le domaine devient difficile à entretenir en totalité.
Depuis presque trois ans maintenant, la Fréta revit grâce à la famille Daublain, consciente du lieu unique. Les nouveaux propriétaires entreprennent de nombreuses améliorations afin d’y vivre sereinement mais aussi en préservant les infrastructures de l’époque et l’esprit de Pierre Poivre. Début 2017, le jardin de la Fréta est enfin inscrit au titre des monuments historiques.
Le Colloque Pierre Poivre des 14-15 octobre derniers, organisé par l’Association Lyonnaise Jardins et Botanique et l’équipe municipale de St Romain a réuni plus de 70 personnes qui avaient déjà travaillé sur ce passionnant naturaliste. Le samedi à St Romain et le dimanche à Lyon, historiens, chercheurs, enseignants, passionnés ont pu se rencontrer pour échanger et commencer à préparer des projets pour 2019, année du tricentenaire de la naissance de Pierre Poivre.
Jean-Pierre GRIENAY, jardinier-botaniste